L’avenir du métier d’aménageur

A l’horizon de réflexion d’un projet stratégique d’entreprise (3 à 5 ans), les conditions d’exercice du métier d’aménageur sont appelées à changer considérablement.

En effet, que ce soit à court terme pour des motifs économiques (nécessité de faire des arbitrages budgétaires) ou à moyen/long terme pour des motifs climatiques (réduction de l’empreinte carbone), les collectivités vont probablement questionner le volume et la nature de leurs investissements structurants. Les industriels suivront sans doute la même pente pour les mêmes raisons.

Quelques éléments d’explication :

  • La lutte contre le réchauffement climatique questionne naturellement la nécessité d’engager de nouveaux travaux chargés en empreinte carbone s’ils ne sont pas indispensables
  • Dans le même ordre d’idée, il devient risqué de lancer certains projets d’infrastructure (immeubles de bureaux, aéroports, ZAC, et autoroutes bien sûr mais peut-être même des projets de transports en commun dans un contexte de développement du télétravail et de relocalisation d’une partie des activités humaines et de la production économique)
  • Enfin face à la crise économique qui débute, nombre de collectivités pourraient privilégier les dépenses d’urgence : aide aux plus pauvres, aux chômeurs, aux commerces de proximité, aux étudiants, ..

Dans cette perspective, les entreprises qui pratiquent aujourd’hui des activités d’aménagement ont globalement 3 possibilités :

  • Attendre passivement de subir ce “reset” de leurs marchés
  • Se préparer à livrer une bataille féroce pour emporter les projets qui se présenteront
  • S’adapter par anticipation à la transformation de leur métier

3 phénomènes structurants – Autant de pistes de diversification pour les acteurs du secteur

Dématérialisation et socialisation des projets d’aménagement

La judiciarisation croissante de la société, la montée des égoïsmes (NIMBY) et la volonté de plus en plus de citoyens d’être pleinement associés aux décisions rendent désormais incontournable le recours à une ingénierie de co-pilotage des projets sensibles et cela dès l’avant-projet. Cette ingénierie d’inclusion de l’ensemble des parties prenantes s’inspirera des outils de la démocratie participative et de la conduite du changement (voir dispositif Agorapolis).

Dans le même ordre d’idées, la nécessité de réduire l’empreinte carbone d’un territoire va amener les collectivités à privilégier une économie de l’usage et la responsabilisation des individus et des collectifs en place de coûteux investissements

  • Privilégier le co-voiturage et l’achat partagé de véhicules plutôt que d’augmenter le nombre de places de stationnements
  • Organiser des campagnes de sensibilisation aux dangers de l’excès de vitesse plutôt que de multiplier les radars et les ralentisseurs
  • Privilégier les gestes « propres » plutôt que les stations d’épuration ; le civisme plutôt que la généralisation des caméras de vidéo-surveillance et autres systèmes de protection des biens et des personnes
  • Privilégier l’usage intensif et donc étalé des équipements existants (piscines, commerces, routes.. ) plutôt que les multiplier
  • D’une manière générale, encourager une consommation et des comportements responsables et donc citoyens

Au total, seront bien inspirés les aménageurs qui développeront cette compétence d’ingénieur social et de facilitateur d’adhésion.

Constitution et animation de meutes d’entreprises locales

De toute évidence, les actions individuelles ne suffiront pas à relever les défis contemporains et à venir (par exemple, la réduction de l’empreinte carbone d’un territoire, la recherche d’autonomie énergétique). Il s’agit de mobiliser collectivement l’ensemble des énergies et intelligences du territoire à commencer par celles des entreprises locales.

D’importantes économies pourraient être ainsi réalisées si ces entreprises mutualisaient davantage certaines de leurs fonctions (informatique, comptabilité, ..) ou si elles partageaient leur effort de R&D pour réduire leur empreinte carbone par exemple.

Pour se constituer et se développer, ces éco systèmes locaux (clusters d’entreprises qui misent sur les complémentarités et les synergies) auront besoin d’une tête de réseau qui organise et anime la dynamique collective. Les aménageurs pourraient exercer cette mission.

Inclusion des projets d’aménagement dans des stratégies de résilience globale

A l’avenir, tout projet d’aménagement, tout projet immobilier d’envergure devra s’inscrire dans une stratégie globale et cohérente de résilience territoriale. Il s’agit de mettre fin à l’empilage de projets au fil des mandats et à une programmation trop souvent en silos. Priorité à la réduction de l’empreinte carbone, à l’emploi des ressources locales, à la mobilisation massive de l’intelligence collective.

Or, les collectivités n’ont pas pour le moment la maîtrise de cette approche globale et finalisée de l’impératif de résilience.

Les aménageurs seraient donc légitimes à :

  • Acquérir les compétences leur permettant de garantir aux projets qui leur sont confiés un haut niveau de résilience
  • Eclairer la commande publique en proposant aux collectivités ce conseil en stratégie de résilience.

En résumé. Pour s’assurer d’un développement plus résilient, les collectivités locales vont avoir besoin de 3 compétences clés :

  • Expertise en ingénierie de concertation et conduite du changement
  • Animateur d’éco systèmes d’acteurs locaux
  • Expertise en résilience à l’échelle globale de la collectivité ou de ses projets structurants

Autant d’opportunités pour les aménageurs !

3 commentaires sur “L’avenir du métier d’aménageur

  1. Notre monde bouge, nos métiers aussi, plus que jamais demain il nous faut être agile, efficient et résilient, dans des opérations de plus en plus complexes et longues à mettre en œuvre; néanmoins dans les territoires Métropolitains, il faudra concilier logement pour toutes et tous, activité économique concentrées et empilées, sans gentrifier les villes au risque de ne plus loger les ménages aux revenus moyens dans les agglomérations…
    les EPL doivent être au cœur des décisions de nos territoires pour apporter nos expériences, analyse et savoir faire reconnus ;

  2. Il est certain que le métier d’aménageur évolue à grands pas. D’une approche purement technique, financière et juridique, il y a encore quelques années, nous sommes aujourd’hui dans une démarche de résilience environnementale, nécessitant de faire des arbitrages itératifs entre accompagnement du développement et protection, dans un souci d’acceptation sociale des projets, et de convergence des intérêts publics.

  3. Parmi les déterminants du changement pour les aménageurs, il faut aussi citer la société foncière qui va percuter nos métiers, fini les extensions et bienvenue au travail de résorption des friches, très différent.
    Je suis assez d’accord sur les 3 compétences requises, qui constituent autant d’axes de développement pour nos EPL. Reste à trouver le bon périmètre de mise en commun, rester local tout en mutualisant les ressources à une échelle permettant l’accès à ces métiers et sensibilités nouvelles.

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