Réussir la revitalisation d’un territoire !
De quoi parlons-nous ? Retour sur le sens des mots et l’avenir des territoires
Avant de planter la pelle et de couler le béton, prenons le temps de méditer sur le sens profond de la notion de revitalisation d’un territoire. Ceci afin d’éviter de nous tromper de combat.
Car le mot « Revitalisation » exprime parfaitement la problématique et l’enjeu si l’on entend ce qu’il nous dit.
reVITALISATION. La revitalisation d’un territoire, d’un centre bourg/ville est essentiellement un processus ; processus qui permet de lui redonner vie.
Un territoire est donc fondamentalement un système vivant constitué du corps social de ses habitants et qui connaît le cycle normal de la vie : naissance, croissance, maturité, déclin et disparition/absorption mais contrairement à la plupart des êtres vivants, un territoire peut éviter la disparition s’il sait se réinventer.
Cette capacité à « renaître » constitue littéralement l’essence du processus de revitalisation.
Aussi, la vitalité d’un territoire est-il le résultat d’un processus complexe qui ne se mesure pas à la quantité de ciment ou de budget, à la hauteur du clocher ou aux dimensions de la piscine municipale mais à la qualité des liens unissant les hommes et les femmes qui l’habitent. Ces liens peuvent être affectifs, professionnels mais ce sont eux qui incarnent cette vitalité.
REvitalisation. S’il y a consensus sur la nécessité de revitaliser un territoire, c’est que l’on constate déjà sa dévitalisation.
Les 2 premières lettres du mot expriment la nécessité d’un retour à un état initial (en tout cas préalable) ; celui d’un territoire vivant et dynamique mais qui peut connaître une perte de vitalité, de substance momentanée ou définitive.
La perte de vitalité d’un territoire peut s’évaluer à l’aide d’indicateurs :
- Quantitatifs : un solde migratoire négatif, des départs non compensés d’habitants, de commerces, d’entreprises, ..
- Qualitatifs : l’affaiblissement des réseaux locaux, du lien social, de la convivialité ; l’atonie, le vide relationnel
Les causes de dévitalisation quant à elles sont multiples et en inter relations. On peut néanmoins insister sur 3 d’entre elles :
- La fermeture d’activités et la suppression d’emplois qui incitent à l’exode économique
- L’étalement urbain et le développement des ZAC qui atomisent et réduisent les relations
- La dégradation des conditions de vie (accès à la culture, aux soins, à l’éducation,…)
Revitaliser un territoire consiste donc à (re)créer les conditions permettant de (re)donner vie à l’éco système local constitué d’infrastructures mais aussi et surtout des relations qu’entretiennent entre eux les habitants et les acteurs locaux.
Impact de l’exigence de résilience sur la vitalité et l’attractivité des territoires
Pour lutter contre le réchauffement climatique et se prémunir de possibles ruptures d’approvisionnement, les prochaines années devront être synonymes d’autonomie alimentaire, énergétique, industrielle mais aussi de réduction de l’empreinte carbone, de la consommation d’énergie et donc des déplacements.
Cette recherche de résilience constitue un appel d’air pour les moyennes et petites villes, les bourgs centre car les créations d’emplois et les nécessaires relocalisations (notamment industrielles) se feront sans doute d’abord dans les territoires détendus (car foncier plus abordable, développement du télétravail, recherche d’un cadre de vie moins stressant).
Autre tendance lourde à intégrer, le réchauffement du climat et le refroidissement des relations internationales (conflits) généreront sans doute de plus en plus de mouvements de populations (migrants et/ou réfugiés).
A moins de refouler ou de stocker ces malheureux dans des camps (ou des gymnases), il va falloir les accueillir et les intégrer à nos sociétés dans les meilleures conditions (pour eux comme pour nous).
Les territoires d’avenir sauront considérer ces migrations non pas comme des menaces mais comme autant d’opportunités de développement : des compétences, de la jeunesse, du sang neuf et de la disponibilité.
Encore faut-il de toute urgence préparer les éco systèmes locaux dans le cadre de solides projets de territoire à la fois inclusifs et résilients.
Ne pas confondre la fin et les moyens, le processus et les livrables
A moins de changer radicalement de système en interdisant aux entreprises et aux habitants de se délocaliser et en obligeant les médecins à s’installer à la campagne, revitaliser un territoire consiste modestement à créer les conditions permettant de redynamiser l’éco système local en jouant sur 2 principaux leviers :
- Les conditions matérielles de vie (l’écrin, le décor) : les voiries, les réseaux, les immeubles, les commerces, ..
- Les conditions immatérielles de vie (le bijou, l’âme) : le corps social, le tissu relationnel local
L’erreur tragique serait de méconnaître la relation qui unit ces deux leviers.
Évitez le piège du Truman show (le décor de rêve et ses clichés de vie)
De quoi s’agit-il ? Le raisonnement qui guide à ce piège est le suivant : « Commençons par construire et mettre en place un environnement de qualité (voiries, réseaux, espaces verts, rénovation des logements, ..). Celui-ci devrait permettre d’attirer à terme de nouveaux habitants et activités qui permettront de redynamiser le centre bourg/ville »
Pourtant, il suffit de voyager et pas forcément à l’autre bout du monde pour constater que des villages/quartiers réputés pauvres sont mille fois plus vivants et porteurs d’avenir que nombre de bourgs et cœurs de villes estampillés « revitalisés » mais toujours aussi déprimés.
Et quand bien même un décor de rêve permettrait-il d’attirer de nouveaux arrivants. Il ne s’agit pas de remplacer les habitants d’aujourd’hui par de gentils urbains (la fameuse gentrification) qui ne supportent pas l’odeur de la terre ou le chant du coq avant 10h. Encore une fois, ces autres migrants doivent pouvoir/devoir s’intégrer à un éco système résilient et prêt à accueillir.
Autrement dit, le décor, les réalisations techniques (façades, halls d’immeubles, espaces verts ou piétonnier, …) sont des conditions souvent nécessaires mais non suffisantes d’un objectif de revitalisation inclusif.
Ajoutons que dans un contexte de recherche de résilience, ce qui fera de plus en plus la différence en matière d’attractivité, c’est la dynamique sociale, la convivialité et l’intelligence collective locale (liens de coopération et de solidarité).
Dans un processus de revitalisation, il s’agit donc de commencer par retisser le lien social et le vivre ensemble (l’immatériel, le bijou) avant de s’attaquer aux façades (le matériel, l’écrin).
La place des habitants dans le processus de revitalisation d’un territoire.
Principe directeur : Les habitants ne doivent pas être considérés comme les bénéficiaires (ou les figurants) mais comme les co auteurs (pour le moins co réalisateurs) du processus de revitalisation.
Il s’agit de créer les conditions (ingénierie sociale et de projet) permettant aux habitants de dialoguer, d’imaginer, d’expérimenter, d’oser et finalement de concevoir les actions de revitalisation.
Le nid le plus douillet n’est-il pas celui que l’on se confectionne soi-même.
Le scénario proposé – Les 3 moments forts du processus de revitalisation
1° La phase de préparation et de cadrage du processus qui comprend la :
- Réalisation d’un état des lieux clinique du territoire
- Définition de la stratégie de conduite du changement et de communication
- Conception de l’organisation sociale et démocratique du processus
- Mise en place des instances de gouvernance et de pilotage
- Élaboration du macro-planning et du budget général
2° La phase immatérielle : La revitalisation du lien social et démocratique avec pour mots d’ordre « Éclairer, rapprocher, mobiliser » les humanités locales.
- Rassemblement de l’essentiel de la population autour d’un ou plusieurs évènements extrêmement conviviaux. Ces moments festifs sont essentiels dans un premier temps car ils permettent d’instaurer une ambiance propice à la cohésion sociale et au vivre ensemble.
- Organisation des conditions démocratiques (Agorapolis) permettant aux habitants de :
- Mettre des mots sur ce qu’ils vivent, leurs appréhensions, leurs attentes
- Débattre des atouts et handicaps du territoire au regard des tendances lourdes environnementales
- Envisager, concevoir des futurs possibles (scénarios de revitalisation)
- Décider collectivement des chantiers prioritaires
3° La phase matérielle : Le lancement des projets et la réalisation des travaux qui consiste à déployer une organisation multi projets permettant de piloter et de réaliser le portefeuille d’actions de revitalisation.
Respecter ce séquençage des 3 phases permet d’éviter le piège du décor de théâtre (The Truman show) mais aussi de faire l’économie de travaux inutiles ou de livrables inadaptés.
Le rôle des élus
L’élu local est sans doute l’acteur le plus déterminant du processus de revitalisation ne serait-ce que parce qu’il en est souvent l’initiateur.
Tout au long de la démarche, son rôle consiste, non pas à programmer ou à commander sur étagère la revitalisation mais à incarner et inspirer cette dynamique d’intelligence collective.
Au-delà des traditionnelles consultations, il s’agit pour lui de fournir aux habitants les moyens (ingénierie et formation) de concevoir les scénarios de revitalisation. Les français en sont capables si on leur fait confiance et s’ils peuvent compter sur l’aide ponctuelle de sachants (ex Convention Citoyenne pour le Climat).
La capacité de l’élu à mobiliser ses habitants, ses qualités relationnelles seront déterminantes pour inspirer confiance et désir de s’impliquer dans le processus.
Bien sûr, il doit s’appuyer sur les services de la collectivité et les acteurs locaux (entreprises et associations) pour mobiliser les énergies.
En conclusion
La revitalisation d’un territoire n’est pas tant un résultat matériel (des bancs, une fontaine, une jolie placette, la énièmeG, ..) qu’un processus social et donc immatériel qui permet d’impulser une dynamique collective de pionniers qui réapprennent à vivre ensemble.
Il ne s’agit pas de la dernière utopie à la mode mais d’un principe de bon sens et d’efficacité.
Reste pour les collectivités à maîtriser cette indispensable ingénierie sociale et de conduite du changement qui leur fait souvent défaut.