Comment gérer pacifiquement nos biens communs ?

Introduction-contexte : L’anthropocène -qui désormais ne fait plus débat- nous met face à l’évidence d’une finitude des ressources planétaires. Sachons en tirer les conséquences rapidement afin d’éviter la multiplication des conflits (guerre de l’eau, des céréales, des terres rares, ..).

Définition des biens communs : Choses communes à l’usage de tous et sujettes à des dilemmes sociaux (surexploitation et accaparement, notamment).

Synonyme : patrimoine collectif

L’usage des biens communs pose la question « quelle planète et quelles conditions d’existence voulons-nous transmettre aux générations futures ? »

Les différentes classes de biens communs :

Bien commun matriciel : Notre planète en général car sans elle, nous aurions bien du mal à survivre.

On peut distinguer trois catégories de biens communs :

  • Les quatre éléments naturels : L’eau (la guerre de l’eau a commencé), l’air (la pollution), la terre (l’appauvrissement des sols et l’épuisement des ressources naturelles), le vivant (nous assistons à l’effondrement de la biodiversité)
  • Les éléments culturels : La démocratie et les libertés, les connaissances, les sites et monuments remarquables
  • Les éléments matériels : Les routes, les ponts, les espaces publics, les infrastructures, ..

Des biens historiquement menacés

De tout temps, les biens communs ont subis les inconséquences de Sapiens.

Déjà, le philosophe grec Aristote avait mis en avant le problème de la tragédie des communs : « Ce qui est commun à tous fait l’objet de moins de soins, car les Hommes s’intéressent davantage à ce qui est à eux qu’à ce qu’ils possèdent en commun avec leurs semblables. »

Cette assertion mettait déjà en évidence le fait que ce qui appartient à tous est malmené. Faut-il pour autant accepter d’en passer par la marchandisation des biens communs pour en garantir la préservation : Eau potable, sites remarquables, eaux profondes, … ?

Les biens communs peuvent subir 2 préjudices cumulables :

  • La surexploitation qui se traduit par l’épuisement des ressources et l’extinction des espèces
  • La privatisation qui conduit à l’accaparement de l’eau, des terres, des rivages, des forêts, … au détriment du plus grand nombre

Ces menaces sont souvent le résultat d’une compétition aveuglée par l’espérance de profit via l’accès à des ressources de plus en plus rares.

Aussi, pour mettre un terme au « laissez faire les marchés » et à l’assaut des prédateurs, nos sociétés doivent s’organiser pour préserver nos biens communs. C’est à la fois vital et urgent.

Trois questions essentielles

La préservation de nos biens communs suppose de répondre à trois questions fondamentales :

  • Concrètement, qu’est ce qui relève du bien commun ? Les ruines de la petite chapelle à l’entrée du village ? Le vieux saule dont les branches envahissent la cour de l’école ? Est-ce que les loups réintroduits relèvent de cette catégorie ou faut-il organiser des battues ?
  • Quelle affectation et quel usage pour préserver les biens communs (communaux) ? Qui a l’usage du cours d’eau local, des terres agricoles ? Quel type d’agriculture ou d’industrie privilégier ou interdire ?
  • Comment organiser la gestion des biens communs au quotidien ? Quelle gouvernance adoptée ?

Les stratégies de gestion des biens communs

On distingue trois stratégies susceptibles d’éviter l’épuisement et l’accaparement d’un bien commun :

  • La nationalisation : L’État assure la gestion du bien commun
  • La privatisation : La gestion est confiée à un acteur privé
  • La collectivisation : Un collectif (local, national ou supranational) d’acteurs (habitants, entreprises, associations, ..) décident du sort de ce bien commun

Quelle que soit la solution retenue, il s’agit de préserver nos biens communs sans tomber dans les biais de la fossilisation (interdiction de planter un clou dans cette jolie poutre du 13° siècle) et la confiscation (la visite des calanques de Cassis réservée à une sélection de touristes fortunés ?). Un mot d’ordre devrait faire consensus :  Ni sacrifiés, ni sanctifiés !

Convaincus que seule l’intelligence collective nous permettra de relever les défis à venir, nous proposons d’opter pour une stratégie de gestion collective des biens communs.

La gestion locale des biens communs : Se concerter pour en planifier l’affectation et l’usage

La gestion collective et donc concertée de nos biens communs devrait s’appuyer sur 3 piliers :

  • Une vision stratégique : La quête de sens afin de dépasser les conflits et les égoïsmes. Remettre en perspective (en trajectoire) l’usage des biens communs afin de dépasser les conflits d’intérêts. Plutôt que de s’affronter sur les moyens, retrouvons-nous sur les finalités
  • Des principes fondateurs : La responsabilisation des individus (la confiance réciproque), la solidarité, la primauté de l’usage sur l’appropriation
  • Une organisation pratique de la gouvernance communautaire

Entrons plus dans le détail en commençant par décrire la première étape de ce processus de gestion collective d’un bien commun : L’élaboration concertée d’une stratégie d’usage.

Voici le début de la démarche proposée appliquée à l’exemple sulfureux des projets de bassines.

Fiche pratique

 Bien commun – objet de la concertation : La ressource Eau.

La vision : Conséquence du dérèglement climatique (et de la pression démographique dans les métropoles), l’eau devient une ressource précieuse et son affectation/usage doit bénéficier au plus grand nombre et aux fonctions les plus vitales pour le vivant (Sapiens et l’ensemble de la biodiversité) : boire, se laver, irriguer nos cultures

L’impératif de résilience et de réduction de l’empreinte carbone mais aussi la nécessité de retrouver de l’autonomie (alimentaire, énergétique, monétaire) face aux menaces qui pèsent sur le commerce mondial doivent nous amener à privilégier la sobriété de tous et la relocalisation des activités

La gestion locale de la ressource en eau doit s’inscrire dans cette stratégie de résilience

L’organisation pratique d’ateliers de concertation :

Ces principes de développement étant discutés et validés par les parties prenantes, leurs représentants sont invités à participer à des ateliers leur permettant de répondre successivement aux questions suivantes :

  • Comment réduire la consommation d’eau du territoire ? Quels sont les activités les plus consommatrices ? Quels sont les usages à limiter en priorité ? Quels sont les volumes d’eau (potables et non potables) indispensables à la vie locale ?
  • Quelles solutions de remplacement aux usages peu résilients (quelles cultures, quelle agriculture privilégier) ?
  • Comment assurer la transition (comment aider les agriculteurs) ? Quelle solidarité au sein de la population ? Quelle filière locale mettre en place ? Quel(s) business model(s) (comment rémunérer les agriculteurs en transition) ?

La mise en place d’une gouvernance collective : Une fois établie cette stratégie de résilience appliquée aux biens communs, il s’agit de mettre en place une gouvernance collective (Agorapolis) permettant d’assurer le déploiement et le suivi de cette stratégie.

Conclusion :

En ce moment de crise systémique (*), les collectivités locales seraient bien inspirées de déployer cette ingénierie de concertation avant que la situation ne dégénère en conflits ouverts entre les promoteurs d’un monde plus résilient et donc plus inclusif et les défenseurs d’une logique économique mortifère.

Mais attention, afin d’éviter le dialogue de sourds et les situations de blocage, il est impératif que la concertation soit précédée par la construction d’une vision stratégique. Cette vision permettra d’éclairer le processus de concertation.

Et vive la résilience concertée et l’intelligence collective !

(*) crise sociale, démocratique, économique, écologique, géo politique et peut être déjà financière

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