Conduire le changement à l’échelle locale

La lutte contre le dérèglement climatique et la crise énergétique nous imposent un changement de comportement radical ; à la fois individuel et collectif : limiter sa consommation de viande, l’utilisation de la voiture, de l’avion, de Netflix, réparer et prolonger la vie des produits plutôt que les jeter…
On sait déjà tout cela. Reste à passer à l’acte pour l’essentiel.
Or, si l’on veut éviter le passage en force (réglementer, interdire, culpabiliser, punir) que nous avons déjà connu pendant la dernière pandémie, il va falloir susciter l’adhésion du plus grand nombre d’entre nous à ce changement de pratiques. La préservation de la planète ne devant pas se réaliser au détriment de la démocratie.
Ce qui ne sera pas une mince affaire tant les prétextes à l’inaction sont puissants :
- Procrastination : Toujours remettre à plus tard le changement
- Foi : Croyance en une chimère scientiste qui permettrait demain de capter le CO2 dans l’atmosphère
- Égoïsme : « Tant qu’il y aura de l’eau pour remplir ma piscine »
- Inconscience, voire le déni de réalité : « Il n’y a pas de problème » ou bien « On exagère quand même un peu »
- …
Sachant que les changements de comportement résultent plus fréquemment d’échanges de proximité (famille, amis, collègues, partenaires sportifs…) que d’une révélation spontanée ou provoquée par des campagnes nationale de communication, les collectivités locales et les associations devraient (certaines ont déjà commencé) organiser ce processus de changement.
Rappels de quelques fondamentaux en matière de conduite du changement
Signification de la notion de changement : Changer à l’échelle d’un individu ou d’un groupe consiste à passer d’un comportement A (comportement initial) à un comportement B (comportement cible). Ce passage du point A au point B requière de l’individu un effort sur lui-même (ex : arrêter de fumer).
Or, nous sommes d’autant moins enclins à produire un effort que :
- Le changement envisagé nous semble dégrader notre essentiel (« c’est trop me demander que de renoncer à … » ; « C’est trop de sacrifices »)
- L’effort nous semble hors de notre portée (« je n’y arriverai pas »)
- L’effort de changement semble différable («La planète ne va pas prendre un degré de plus si je prends l’avion encore une fois ». « De toute façon, qu’est-ce que je risque personnellement ? », « on verra bien l’année prochaine »)
Les 3 phases du processus de changement.
Faciliter, encourager un changement de comportement d’un individu ou un groupe d’individu suppose d’organiser les 3 phases du changement :
- Le dégel (ou décristallisation) : il s’agit d’amener l’individu à prendre conscience de la nécessité de changer son comportement non pas sous la menace de punition (sinon retour à la case dictature) mais dans son intérêt ou celui de ses proches. Sur le thème de la sobriété, il s’agit d’amener les individus à réaliser qu’elle est synonyme non pas de sacrifice mais de mieux vivre (faire des économies, s’attacher à l’essentiel, savourer l’intensité de la cérémonie du thé)
- L’accompagnement du changement de comportement : Il s’agit de fournir à l’individu les moyens lui permettant de concrétiser son désir de changement (« je suis déterminé à arrêter de fumer. Pouvez-vous m’aider ? »)
- L’institutionnalisation du changement. Cette phase consiste à pérenniser le changement de comportement ; à éviter un retour à l’ancien comportement (ex : la personne qui se remet à fumer au moindre prétexte).
Sachant que la réussite de la phase de dégel conditionne la suite du processus, voici quelques conseils à l’intention des décideurs et acteurs locaux :
- Encourager les habitants à jeter un regard critique sur leurs perceptions, à remettre en question leurs pratiques
- Démontrer la nécessité du changement, le justifier en précisant les enjeux, les bénéfices attendus
- Faire émerger la représentation du changement que se font les parties prenantes et qui permet le plus souvent de relativiser l’effort à produire pour y parvenir
- Écouter les expressions de résistance et manifester de l’empathie pour celui ou celle qui les exprime
- Établir ou mieux, faire établir par les individus des objectifs de changement ambitieux mais réalistes
- Proposer des récompenses en cas de réussite du projet et/ou des contreparties aux nuisances du projet
- Obtenir le soutien actif de prescripteurs reconnus
- Valoriser, mettre en avant quelques success stories
Dans la boite à outil à la disposition collectivités locales et des associations, on peut citer :
- Les groupes de paroles : Sur le principe des thérapies de groupe, ils permettent aux habitants d’échanger sur leurs difficultés du quotidien et à l’aide de l’animateur d’identifier ce qu’ils pourraient/devraient modifier dans leur comportement de consommateur mais aussi comment lever les obstacles à ce changement
- La newsletter et médias locaux proposant des témoignages de pairs ayant réussi le changement, des conseils pratiques, ..
- Le Défi ou challenge lancé aux habitants. La collectivité locale organise à un appel à solutions (ex : « comment rendre possible et désirable un centre-ville totalement piétonnier ? »)
- Les cercles thématiques (ex de cercle «produire/manger local et bio ») : Ils peuvent être déclinés à l’échelle de chaque quartier et de chaque processus de vie (logement, mobilité, santé, …)
- Interview et témoignages de pairs et de prescripteurs/influenceurs reconnus
- Les conférences/débats réunissant des sachants et les habitants
- Les visites de sites pilotes, de show rooms (expo de la lowtech, de la perma culture, itinérance d’ambassadeurs locaux dans les territoires les plus en pointe,..)
- Ateliers pédagogiques : des jeux, des activités de groupe sont proposés (ex : la fresque du climat, repair workshops)