Quel avenir pour la démocratie locale ?

Introduction : Pour s’adapter à la crise-transformation systémique qui débute (économique, climatique, sociale, géopolitique, sanitaire, ..), chaque territoire doit pouvoir s’appuyer sur l’ensemble des ressources et énergies locales. Seules l’intelligence collective et la coopération permettront de produire l’indispensable effort de résilience (1) à l’échelle de chaque territoire. Il s’agit de faire appel à l’imagination et aux propositions de tous les habitants sans exception en mettant en place des instances de démocratie plus inclusives.

Or, nombre de démocraties (car la France n’est pas un cas isolé) se sont progressivement dévitalisées et de plus en plus de citoyens ne croient plus à l’action politique (65% d’abstentions aux dernières élections régionales).

Ce désengagement se nourrit de causes multiples qu’il faut avoir le courage d’énoncer :

  • Une succession de gouvernements qui -faute de disposer d’une vision stratégique et systémique- se contentent d’exercer une gestion à la petite semaine sous la pression des émotions ou des lobbies
  • D’un manque de courage et de détermination. Pusillanime et procrastination (ex : Cope 21, lutte contre l’évasion fiscale, contre la pauvreté)
  • De cette politique show business, de tous ces slogans vides de fondements (ex : la théorie du ruissellement). Des talk-shows, des bains de foule soigneusement orchestrés
  • Des artifices montés en révolution copernicienne (ex : le grand débat, la convention citoyenne pour le climat dont les remarquables propositions devaient être soumises au parlement « sans aucun filtre »).
  • Des ministres qui déforment les faits (le traitement de la pandémie de Covid a permis d’allonger la liste)
  • Des décisions déconnectées de la réalité des territoires (ex : taxe carbone, le port du masque dans des lieux déserts)
  • Des abus de pouvoir, des conflits d’intérêt, voire des actes délictueux de certains (un ancien président de la République, des ministres) qui jettent malheureusement le discrédit sur l’ensemble de la classe politique qui massivement reste intègre
  • Mais aussi, des électeurs consommateurs. Nous assistons à l’avènement du citoyen « presse bouton », au citoyen qui préfère « liker » plutôt que de s’engager.
  • Une atomisation des revendications et une montée des égoïsmes, du chacun pour soi
  • Enfin une constitution qui favorise la verticalité, la concentration des pouvoirs. Avec en sus, un manque cruel de proportionnelle et donc de débat démocratique

Ce constat peut sembler sévère et généralisateur mais il s’appuie sur des faits largement relatés dans les médias. Ce qui suffit à marquer les esprits et incite à l’abstention.

Les 3 scénarios à éviter à l’échelle nationale mais aussi locale

L’embrasement

Augmentation des coûts de l’énergie, creusement des inégalités, des fins de mois qui n’en finissent pas d’être difficiles, sentiment d’être méprisé.. Les facteurs d’explosion sociale n’ont jamais été aussi nombreux. Et c’est sans compter sur l’impact de la hausse des taux d’intérêt et la fin prévisible de l’argent hélicoptère. Autre motif de tension, l’inaction climatique amène une partie croissante de la population vers des actions de plus en plus musclées (ex : désobéissance civile et actions de sabotage). Au total, les foyers de mécontentement accumulés ces dernières années risquent de mettre à mal la cohésion sociale des territoires.

La balkanisation de la société

Ce phénomène a également déjà commencé. De plus en plus de citoyens ne supportent plus une société qu’ils jugent mortifère pour la planète et pour le vivre ensemble. Les zad, les sectes, les communautarismes d’une manière générale ont le vent en poupe. Or, si on peut comprendre cette volonté de tomber la muselière et la carte bancaire pour se réapproprier son quotidien et donner du sens à son existence, le risque est grand de passer d’une « France périphérique » à la disparition même de nation et de communauté de destin.

Le durcissement démocratique.

La France n’est déjà classée qu’au 24° rang -en tant que « démocratie imparfaite »- selon l’indice de the economist  intelligence unit). Pire, des signaux inquiétants se sont accumulés ces dernières années :

  • L’infantilisation et l’appel à l’obéissance des citoyens plutôt qu’à leur discernement et intelligence situationnelle : obligation de se conformer à des mesures absurdes et incohérentes (port du masque dans des parcs déserts mais entassement dans les transports publics, masque/pas masque…)
  • La surveillance et le traçage de plus en plus serrés de nos gestes et déplacements. Les caméras de vidéosurveillance en réseau, l’application stop covid. En attendant peut être les drones verbalisateurs et le système chinois de bons points aux citoyens
  • La pression sur les libertés. La loi sécurité globale et le prolongement sans fin de mesures exceptionnelles, l’application du passe sanitaire (lire les réserves argumentées de Claire Hédon, Défendeuse des droits)

Ce scénario est d’autant plus inquiétant qu’une partie de la population a déjà sombré dans la psychose ou le délire sécuritaire (précautions sanitaires disproportionnées, phobie de l’invasion migratoire, demandes de leaders autoritaires, de toujours plus d’encadrement des libertés individuelles).

Bien sûr, les élus locaux dans leur immense majorité sont de bonne volonté et ne peuvent être tenus pour responsables de cette situation mais ils sont en première ligne pour en constater les effets délétères.

Alors, quelle ingénierie démocratique déployer à l’échelle locale ?

L’enjeu pour les élus est donc d’amener un maximum de leurs habitants à s’impliquer dans la décision locale, le dialogue social et la solidarité plutôt que le repli sur soi ou l’affrontement ; et cela en s’appuyant sur une ingénierie de démocratie inclusive.

Les fondamentaux d’une démocratie (locale) inclusive

Voici quelques conseils (3) à l’intention des élus désireux de réussir cette mobilisation de l’intelligence collective 

  • Au début, il y a la parole de l’élu et les valeurs qu’il doit d’incarner pour inspirer la confiance : sincérité, courage, empathie et ouverture d’esprit
  • Replacer dans une perspective globale (systémique) et finalisée (la recherche de résilience et de « bien vivre ensemble) l’appel à mobilisation des habitants
  • Installer des instances de démocratie participatives ouvertes à tous et sans condition
  • Un effort de communication massif permettant de mobiliser au moins 40% de toutes les composantes de la population (y compris les plus « sauvageons ») dans ces instances de démocratie participative. La terre est trop petite pour se rejeter les responsabilités.
  • La valorisation systématique des réalisations citoyennes. Les actions colibris ne suffisent pas mais elles méritent d’être valorisées par la collectivité
  • Doter la collectivité d’une charte de gouvernance pour réguler et sécuriser les échanges et les contributions de chacune des instances de gouvernance
  • Créer les conditions d’un dialogue constructif systématiquement et partout (quartiers, lotissements, paliers, …). Il s’agit de réapprendre à « se parler »
  • Permettre aux habitants de proposer des actions et projets de leur propre initiative et en dehors de tout cadre préétablis (sinon celui fourni par la charte de gouvernance)
  • S’engager à rendre des comptes aux habitants, à justifier la décision de la collectivité lorsqu’elle ne valide pas une proposition portée par les habitants
  • Installer les instances de gouvernance inclusives (« conseil des 100 », et clubs thématiques) dans la durée. Le désir de s’impliquer dans la vie de la « cité » requiert du temps… Celui de la confiance réciproque entre élus et citoyens
  • Et bien sûr et surtout, l’élu local doit accepter de changer de posture. Il s’agit de passer de l’élu architecte, pompier et démineur omniprésent à celui plus effacé de « coach » qui éclaire, soutient et régule les initiatives portées par les habitants.

Bien sûr, ces facteurs clés de succès ne constituent qu’une liste à la Prévert (les ingrédients) s’ils ne s’articulent pas dans un système complet (la recette) de gouvernance locale (2).

A suivre

  • (1) Article « Stratégie de résilience et reengineering territorial »
  • (2) Travaux du cluster « Agorapolis »

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