Les jardins familiaux sont des trésors d’humanité !

PAR DAMIEN DEVILLE ET ANNIE LAHMER
Les jardins familiaux d’Aubervilliers vont d’ici peu fêter leurs 100 ans. Magnifique héritage, ils prennent scène sur une ancienne plaine légumière qui se cultive depuis le Moyen-Âge. Les jardins familiaux sont une mémoire collective vivante : ils portent l’histoire. En les regardant se dessinent les codes, les mœurs, les traditions culinaires et agricoles qui ont marqué les temps passés. Ce qu’on appelait la plaine des vertus a donné aux légumes des couleurs et des nutriments à réputation nationale ! Les poireaux des vertus, la betterave rouge des vertus, le navet demi long des vertus, ou encore le gros chou s’échangeaient de marché en marché, d’étale en étale aux plus offrants.
Damien Deville est géographe et anthropologue de la nature;
Annie Lahmer, conseillère régionale écologiste en Île de France.Certains jardins familiaux d’Aubervilliers ont maintenu les pratiques et plantent toujours les semences qui faisaient la fierté d’antan. En regardant ces jeunes pousses, on comprend mieux les paysages que les ancêtres ont vu et pratiqué, on lit ce qu’ils ont voulu garder et transmettre.
Les jardins familiaux sont également des lieux où le lien social guide le quotidien. Véritable épaule contre la solitude, canne pour le fragile, guide pour l’aveugle, les jardins accompagnent ceux et celles qui se sentent isolé.es et vulnérables. Dans des villes de plus en plus uniformes, où l’on passe d’un point à un autre sans prendre le temps de regarder, de rencontrer, de sentir, les jardins sont un pansement à ces sociétés qui n’arrivent plus à porter le vivre ensemble. Ils réinvestissent le commun, la co-construction et la co-réciprocité entre des humains et un lieu, entre des individus et des plantes.
Nous pensons ici à ces jardiniers de Roubaix qui ont créé une université populaire pour des jeunes en décrochage scolaire : depuis les jardins s’invente une nouvelle manière de recevoir et de pratiquer le savoir. Nous pensons aux jardiniers d’Amboise qui, au pied du château de François Ier, inventent des fêtes et des repas partagés pour tous les habitant.es de la ville. Nous pensons également aux jardiniers d’Alès qui, attachés à un vieux centre-ville maintenant disparu, détruit par les choix politiques des années 1960, remettent poésie et couleurs dans leurs quartiers. Par les jardins, ils écrivent un autre horizon commun, ils réparent leurs souvenirs et se réapproprient la ville.