Quels projets de territoires pour affronter l’avenir ?

(Quelle stratégie de développement adopter à l’échelle des EPCI)

A n’en pas douter, le monde connaît une crise-transformation systémique :

  • Sanitaire : En attendant l’apparition de nouveaux virus (ou de variants), la pandémie actuelle et son traitement politique ont déjà provoqués de nombreux décès et pathologies (détresses, dépressions, angoisses, psychoses qui laisseront des traces)
  • Sociale : Depuis au moins 30 ans, nous assistons au délitement du lien social, à la montée des exclusions, des égoïsmes comme des communautarismes. Dans ce contexte de crise économique et de raz le bol général, le risque d’explosion/implosion sociale est très élevé.
  • Financière : Ces derniers mois, les Etats et nombre d’entreprises et de ménages se sont massivement endettés. Et cela continue. L’absence de visibilité sur le traitement de ces dettes fait peser une menace de krach systémique.
  • Démocratique et institutionnelle : De plus en plus d’électeurs ne croient plus en la parole des « politiques » et s’abstiennent de voter. Une part croissante de français réclame une démocratie plus proportionnelle, directe et permanente : référendums, conventions citoyennes, RIC, .. Cette défiance vis-à-vis de leurs représentants (et des élites d’une manière générale) favorise les « fake news » et un état d’ingouvernabilité permanent.
  • Ecologique et démographique : Effondrement de la biodiversité et réchauffement climatique constituent le tsunami majeur des prochaines décennies : migrations massives conséquences de la désertification, montée des eaux, ..

Pire, ces crises sont systémiques car elles s’alimentent mutuellement :

  • La déforestation favorise l’émergence et la transmission de nouveaux virus
  • L’absence de confiance mine les espoirs de reprise économique durable
  • Le creusement des inégalités exacerbe les conflits sociaux
  • ….

Ainsi, aujourd’hui plus que jamais, s’impose la nécessité de construire un monde plus protecteur et soucieux de la planète et de ceux qui l’habitent :

  • Un monde plus solidaire (la précarité fragilise et affame nos sociétés)
  • Un développement à taille humaine (relocalisation des activités et souveraineté comme référence)
  • Une démocratie directe et quotidienne (stop au talk-shows politiques et à la démocratie intermittente)
  • Une quête de bien vivre plutôt qu’une recherche permanente d’enrichissement et de réussite personnelle (la « start up nation » ne peut constituer un modèle de société soutenable)
  • Un développement plus responsable (circuits courts, économie circulaire, consommation raisonnée)

Ce monde du « care », nécessairement plus local et décentralisé, constitue une formidable opportunité pour les territoires de proximité (pays, communautés de communes, agglomérations, ..) jusqu’à présent sommés de s’adapter à l’impératif de mondialisation.

Encore faut-il que les élus locaux sachent doter leur territoire de véritables stratégies de résilience inclusives.

Définition résilience territoriale : « Aptitude d’un territoire à maintenir son intégrité (ses propriétés, ses qualités) quel que soit le contexte environnemental »

Les 4 axes directeurs d’une stratégie de résilience locale :

  • Priorité au bien vivre ensemble, à l’être plutôt qu’à l’avoir, à la coopération plutôt qu’à la concurrence. Il s’agit de replacer la qualité de vie du plus grand nombre d’habitants au cœur du village (ou de la métropole). Si on ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance, pourquoi ne pas mettre fin à cette concurrence mortifère entre territoires ? Plutôt que de chercher à attirer des entreprises synonymes d’intensité capitalistique et/ou de jobs précaires/mal payés ou de miser sur le tourisme de masse, il est urgent d’investir dans la création d’activités/d’emplois de proximité durables et socialement utiles. Il s’agit de développer la coopération, la complémentarité entre les territoires (au sein et entre EPCI), de constituer des groupements d’entreprises locales (meutes de PME/PMI).
  • Priorité à la démocratie participative. Pour s’adapter aux défis environnementaux, chaque territoire doit pouvoir s’appuyer sur l’ensemble des ressources et énergies locales. Seules l’intelligence collective et la coopération permettent de déplacer des montagnes. Il s’agit de faire appel à l’imagination et aux propositions de tous les habitants sans exception en mettant en place des instances de démocratie directe et permanente.
  • Priorité à la production locale et à un développement harmonieux. Un territoire est d’autant plus vulnérable qu’il est spécialisé et dépendant d’une entreprise, d’une activité, d’un flux de touristes et de marchandises (importées ou exportées). Les projets de territoire doivent désormais privilégier un développement plus équilibré et harmonieux. Il s’agit de favoriser l’autonomie alimentaire, énergétique, foncière, …
  • Priorité à la réduction de l’empreinte carbone. Les solutions ne manquent pas : économie circulaire, énergies douces, circuits courts, consommation raisonnée, … Encore faut il que les initiatives locales soient portées et supportées par la population dans son ensemble.

Ces priorités constituent autant de défis, tant elles ont pu être négligées jusqu’à présent. Or, en l’absence d’une stratégie globale et finalisée impulsée et pilotée à l’échelle de chaque collectivité territoriale, les initiatives privées et les aides des états ne suffiront pas.

Les premiers moments d’un projet de territoire porteur d’avenir

Dans le contexte de crise existentielle que nous connaissons, nombre d’élus locaux souhaitent élaborer ou actualiser leur projet de territoire. Nous leur recommandons de privilégier une stratégie de résilience inclusive.

En voici la séquence de démarrage :

1°) Un séminaire d’orientation stratégique. Ce séminaire destiné aux élus locaux leur permettra de partager une vision globale et finalisée des défis à relever et des conditions de réussite d’une stratégie de résilience. Il constitue l’acte fondateur d’une démarche exemplaire portée par des élus exemplaires.

2°) La désignation d’un Référent « résilience territoriale » au sein de la collectivité. Ce professionnel du management de projet et de la conduite du changement aura pour mission de coordonner l’ensemble des actions/projets contribuant à la résilience du territoire : démocratie participative, plan climat, relocalisation d’activités, ..

Son rôle sera déterminant pour décloisonner les services/délégations, éviter les incohérences et donner un sens commun à l’ensemble des initiatives.

3°) La revue d’ingénierie territoriale. Ce dispositif de type Etat des lieux permet à une collectivité :

  • D’évaluer objectivement la qualité de son ingénierie territoriale et son niveau de résilience
  • D’identifier les forces et limites de cette ingénierie
  • D’en déterminer les principaux axes d’amélioration que ce soit en matière de démocratie locale, de suivi de la performance territoriale, de pilotage de vos projets (aménagement, construction, ..)
  • De disposer de recommandations, d’une feuille de route des outils et actions de progrès à mettre en œuvre

4°) La mise en place d’une ingénierie de démocratie locale adaptée. On connaît désormais les ingrédients du succès en matière de démocratie locale :

  • Création d’un « conseil des 100 » constitué d’un échantillon représentatif de la population et tiré au hasard. Pour dépasser les limites de la « convention citoyenne pour le climat » (travail remarquable mais peu suivi d’effets), il est essentiel que le conseil des 100 bénéficie :
  • D’un ancrage populaire (les travaux du conseil doivent être précédés et alimentés par des enquêtes et débats publics au plus près du terrain)
  • D’un soutien réel des élus (engagement de transparence quant aux conditions de validation, organisation de référendums locaux dans certains cas)
  • Constitution de clubs thématiques (santé, éducation, mobilité, alimentation, logement, …) permettant de tisser un réseau de citoyens acteurs

5°) La mobilisation de l’ensemble des habitants. Aucun des défis évoqués (santé, solidarité, mobilité, éducation, sécurité, ..) ne pourra être relevé sans une participation massive (au moins 40 %) des habitants. Cette mobilisation doit s’appuyer sur une campagne de communication dynamique, moderne et responsabilisante.

Peuvent ensuite se dérouler dans les meilleures conditions, les étapes d’élaboration du projet de territoire à proprement parler :

  • Réalisation d’un diagnostic systémique du territoire porté par la population
  • Définition des ambitions et axes de progrès répondant au mieux aux besoins du territoire
  • Mise en place de l’ingénierie projet permettant la réalisation effective des axes de progrès
  • Déploiement d’un baromètre de suivi de la performance territoriale

En conclusion

En ce début de crise systémique, les élus locaux se retrouvent en première ligne pour relever simultanément 3 défis :

  • Aider/soutenir les TPE/PME, commerçants et habitants les plus en difficulté économiquement (l’élu pompier)
  • Renforcer le lien social, l’entraide, la coopération car la montée des angoisses et la peur du chômage, des attentats, le ras-le-bol d’une manière générale font que l’explosion/implosion sociale n’a jamais été aussi proche (l’élu démineur)
  • Elaborer et déployer des stratégies de résilience territoriale réellement efficaces puisque l’avenir est à la relocalisation et à la décarbonation de l’économie ; au bien vivre dans la proximité (l’élu stratège)

L’erreur consisterait à concentrer leur énergie sur le premier point et de se contenter de quelques actions isolées (ex : un peu de pistes cyclables, un zeste de budget participatif, ..) en guise de stratégie de résilience. Face aux tsunamis à venir, les demi-mesures ne suffiront pas.

Laissez un commentaire - Partagez une initiative sur ce thème

%d blogueurs aiment cette page :