Reengineering des territoires et stratégies de résilience
Il y a déjà trente ans, quelques esprits chagrins avertissaient que le libéralisme débridé inauguré dans les années 70 conduirait inévitablement à une mondialisation pathologique :
- Consommation compulsive et effondrement des valeurs autres que « bankables »
- Précarisation du travail et creusement des inégalités
- Pollution irresponsable et désastre écologique
- Fragmentation de la société et montée des intolérances
- …
Et pourtant, quelques semaines seulement avant le début de la pandémie, ministres, journalistes et consultants de plateaux stigmatisaient en chorale les poussées de fièvre des oubliés de la croissance, se glosaient des colères de Gréta, ignoraient royalement les initiatives locales pour sortir de cette société-là.
Aujourd’hui, ces mêmes mal-pensants se présentent en promoteurs de la souveraineté économique, de la protection de la planète, de la régulation du commerce international, et bien sûr de ces territoires de la république injustement délaissés.
Mais les girouettes ne font pas le printemps et le risque est réel que dans les prochains mois les territoires tombent dans le piège du local washing : de beaux discours et quelques mesures de circonstances (ex : les pistes cyclables, le budget participatif à 3%) alors que la planète et nombre de ceux qui l’habitent attendent des actions radicales et rapides pour un monde nouveau :
- Un monde plus solidaire et plus protecteur (la précarisation fragilise et affame notre société)
- Un développement à taille humaine (relocalisation des activités et de la souveraineté comme référence plutôt que la révérence aux multinationales)
- Une démocratie directe et quotidienne (stop au talk-shows politiques et à la démocratie intermittente)
- Une quête de bien vivre plutôt qu’une recherche permanente d’enrichissement et de réussite personnelle (la « start up nation » ne peut constituer un modèle de société soutenable)
- Un monde plus responsable (circuits courts, économie circulaire, consommation raisonnée)
Aujourd’hui, les élus locaux se retrouvent en première ligne pour mener ce combat. Pour le gagner, ils doivent commencer par développer une vision stratégique des transformations à venir et avoir le courage de recourir à de nouveaux principes d’action :
- La résilience territoriale plutôt que la recherche de croissance à tout prix
- L’horizontalité de la décision locale plutôt que la déclinaison d’un programme
- Les communautés de petits projets portés par les habitants sur des thèmes précis (la santé, la culture, les transports, ..) plutôt que des grands projets emblématiques (hors de prix)
- La priorité aux entreprises locales et au développement endogène (de préférence aux grands groupes/enseignes nomades qui déséquilibrent les éco systèmes locaux)
- Un développement harmonieux (l’équilibre plutôt que la spécialisation territoriale, ..)
- La complémentarité et la solidarité entre territoires (plutôt que la guerre à l’attractivité)
Bien plus que l’achat de solutions sur étagère, il s’agit bien d’engager un reengineering de la pensée territoriale et de déployer de véritables stratégies de résilience inclusives.
François Lanstroffer