
L’attractivité a longtemps constitué le graal de l’action publique métropolitaine, qu’elle soit démographique ou économique. Mais plusieurs signaux émergent pour souligner les risques et les effets pervers possibles de cette course à la croissance, aux dépens des impératifs d’inclusion sociale. D’un objectif impératif, l’attractivité métropolitaine est en passe de devenir un objet de controverse, voire de conflits. Simultanément, un enjeu croissant réside dans l’organisation de la métropole du quotidien, en veillant en particulier à ce qu’elle reste ou (re)devienne une métropole « hospitalière », en capacité de bien accueillir toutes les catégories sociales qui y vivent ou qui y viennent.
Alors les métropoles peuvent-elles être envisagées comme des espaces-temps et des modes de vie inspirants pour celles et ceux qui visent à promouvoir les qualités et valeurs de l’habitabilité, de l’ouverture au monde et de l’hospitalité ? Sans revenir à l’antienne de l’opposition entre « concurrence et cohésion » qui s’est parfois nommée « entre attractivité et solidarité » mais en mettant en avant des enjeux de ce que la maximisation de l’urbanité permet.

Arnaud a 31 ans. Cet ingénieur en maintenance industrielle est arrivé à Nantes pour son travail il y a 5 ans et vit dans l’hyper-centre. Au sein de la convention, il s’interroge surtout sur les solutions pour ré-impliquer les citoyens dans la démocratie.
Comment vivez-vous cette crise ?
Le premier confinement était une expérience inédite pour tous. J’ai télé-travaillé tout du long et comme j’ai la chance de vivre en colocation, je n’ai pas été seul. Le plus dur à vivre, ça a été la vie sociale mise en pause : ne plus pouvoir aller boire un coup après le boulot, ne plus aller en concert. Chacun était dans son coin, c’était comme une parenthèse un peu floue. En même temps, j’ai aussi parfois apprécié de découvrir la ville avec moins de monde et profité d’espaces pour moi tout seul. Je me suis aussi rendu compte que beaucoup de choses n’étaient pas essentielles : à part mes sorties, je ne suis déjà pas un gros consommateur. Mais j’ai très peur qu’on ait une mémoire à court terme et qu’on ne revienne à la case départ dans quelques mois.
Que pensez-vous cette convention ?
J’ai mis du temps à décider d’y participer. Au delà du vote, c’est mon premier engagement citoyen. Les échanges sont plutôt francs, assez directs. Peut-être manque-t-on parfois de contradictions mais peut-être est-ce aussi le fait d’échanger ensemble qui crée un même sens de réflexion ? La visioconférence ne nous permet pas non plus d’avoir du off pour échanger, ça reste donc un peu formel mais ça avance quand même au fil des sessions. Je suis curieux de voir ce que l’on va produire : je ne suis ni optimiste, ni dubitatif, juste intéressé de voir le résultat.
Y-a-t-il un thème qui vous tient plus à cœur ?
Je m’intéresse surtout à l’exercice de la citoyenneté. J’ai suivi avec intérêt l’aventure des gilets jaunes, une émanation du peuple tel qu’il est, pas toujours très lisse. Le mouvement a été fauché par la crise et pourtant les problèmes restent et risquent d’être deux fois plus forts demain. Notre modèle de démocratie est à bout de souffle. La question principale est comment faire pour remobiliser les gens, qu’ils redeviennent citoyens et qu’on arrête de subir ce qui nous arrive. Il faudrait réinventer une agora moderne : expérimenter des groupes de parole sur certains sujets, des journées citoyennes… et sensibiliser à l’action citoyenne, sans faire de propagande pour autant. Je découvre aussi que l’alimentation est un domaine dans lequel la collectivité locale peut faire beaucoup. Attention cependant à ne pas tout faire reposer sur notre responsabilité individuelle d’acheter des produits de qualité ou non, le boycott ne suffit pas non plus. Il faut que les politiques prennent de vraies décisions dans ce domaine, comme dans d’autres.
Légende : Arnaud devant son bar favori, fermé depuis plusieurs mois : »La vie sociale a été mise en pause »

Demain l’éco |Trois jeunes agriculteurs ont décidé de produire dans l’hexagone des polos issus du fil de coton qu’ils cultivent eux-mêmes dans le Gers. Leur ambition est de maîtriser la chaîne de production et de limiter l’impact environnemental, tout en maintenant des emplois et un savoir-faire français.
Faire pousser du coton en France n’est pas une mince affaire. La plante est exigeante et sensible, elle a besoin de beaucoup de chaleur et d’eau mais d’un temps sec en fin de cycle végétatif. Des conditions climatiques que l’on trouve généralement dans les zones tropicales et subtropicales arides. A Montréal du Gers, Samuel et Médéric Cardeillac, deux frères agriculteurs et leur beau- frère Yohan de Wit, représentant de matériel agricole, ont fait une première expérimentation en 2016 en plantant quelques pieds de coton dans l’espoir de trouver la variété de graine la plus adaptée à leur terroir. Quatre ans plus tard, ils ont planté 14 hectares de coton qui leur permettront de fabriquer 3 000 polos sous la marque Jean Fil.
https://www.franceculture.fr/environnement/jean-fil-la-seule-marque-textile-100-made-franc
Il y a déjà trente ans, quelques esprits chagrins avertissaient que le libéralisme débridé inauguré dans les années 70 conduirait inévitablement à une mondialisation pathologique :
- Consommation compulsive et effondrement des valeurs autres que « bankables »
- Précarisation du travail et creusement des inégalités
- Pollution irresponsable et désastre écologique
- Fragmentation de la société et montée des intolérances
- …
Et pourtant, quelques semaines seulement avant le début de la pandémie, ministres, journalistes et consultants de plateaux stigmatisaient en chorale les poussées de fièvre des oubliés de la croissance, se glosaient des colères de Gréta, ignoraient royalement les initiatives locales pour sortir de cette société-là.
Aujourd’hui, ces mêmes mal-pensants se présentent en promoteurs de la souveraineté économique, de la protection de la planète, de la régulation du commerce international, et bien sûr de ces territoires de la république injustement délaissés.
Mais les girouettes ne font pas le printemps et le risque est réel que dans les prochains mois les territoires tombent dans le piège du local washing : de beaux discours et quelques mesures de circonstances (ex : les pistes cyclables, le budget participatif à 3%) alors que la planète et nombre de ceux qui l’habitent attendent des actions radicales et rapides pour un monde nouveau :
- Un monde plus solidaire et plus protecteur (la précarisation fragilise et affame notre société)
- Un développement à taille humaine (relocalisation des activités et de la souveraineté comme référence plutôt que la révérence aux multinationales)
- Une démocratie directe et quotidienne (stop au talk-shows politiques et à la démocratie intermittente)
- Une quête de bien vivre plutôt qu’une recherche permanente d’enrichissement et de réussite personnelle (la « start up nation » ne peut constituer un modèle de société soutenable)
- Un monde plus responsable (circuits courts, économie circulaire, consommation raisonnée)
Aujourd’hui, les élus locaux se retrouvent en première ligne pour mener ce combat. Pour le gagner, ils doivent commencer par développer une vision stratégique des transformations à venir et avoir le courage de recourir à de nouveaux principes d’action :
- La résilience territoriale plutôt que la recherche de croissance à tout prix
- L’horizontalité de la décision locale plutôt que la déclinaison d’un programme
- Les communautés de petits projets portés par les habitants sur des thèmes précis (la santé, la culture, les transports, ..) plutôt que des grands projets emblématiques (hors de prix)
- La priorité aux entreprises locales et au développement endogène (de préférence aux grands groupes/enseignes nomades qui déséquilibrent les éco systèmes locaux)
- Un développement harmonieux (l’équilibre plutôt que la spécialisation territoriale, ..)
- La complémentarité et la solidarité entre territoires (plutôt que la guerre à l’attractivité)
Bien plus que l’achat de solutions sur étagère, il s’agit bien d’engager un reengineering de la pensée territoriale et de déployer de véritables stratégies de résilience inclusives.
François Lanstroffer

Depuis six ans, le nombre de budgets participatifs double chaque année en France. De sept en 2014, ils sont passés à 170 fin 2019, selon le bilan réalisé par Antoine Bézard, créateur de lesbudgetsparticipatifs.fr et auteur d’une étude publiée par la Fondation Jean-Jaurès.
Près de 19 millions de Français (contre 6 millions en 2018) vivent aujourd’hui dans un territoire qui leur permet de voter une partie de son budget, soit 141 communes, 18 départements et la région Occitanie. Des communes de toutes tailles ont adopté la démarche, dont plus de la moitié des grandes villes de plus de 200 000 habitants.
Certes, c’est peu au regard des 35 000 communes et 101 départements du pays. Les projets soumis au vote sont d’ambition modeste, tout comme les sommes concernées (3 % du budget du Gers en 2018, par exemple). La participation n’est que de 5 % des habitants en moyenne et plutôt centrée sur les catégories socioprofessionnelles supérieures. Toutefois, de plus en plus de villes atteignent ou dépassent les 10 % de participation, comme Paris (11 %). Le Gers a même vu un quart des habitants participer à l’opération en 2019

« Une quête de sens… » disions-nous récemment ([1]) pour qualifier le potentiel d’implication des 55-65 ans sur les territoires où ils vivent et où ils peuvent se projeter dans un vrai projet de « senior actif et utile » et trouver en retour la convivialité et un bonheur durable dans le territoire de vie qu’ils ont choisi. Le choix fédérateur du Bien-Vivre comme axe structurant du développement d’activités économiques, sociales et culturelles et de la mobilisation des habitants d’une part, l’expérimentation de nouvelles formes de développement fondées sur l’innovation territoriale d’autre part, offrent en effet un cadre propice à l’implication des habitants d’un territoire.

Au printemps, les actions de plantation de légumes se sont multipliées à l’initiative de collectifs citoyens, d’associations mais aussi de mairies. L’objectif ? Répondre à la hausse des besoins d’aide alimentaire et questionner les modèles actuels de production, d’approvisionnement des territoires, et de solidarité.

De Brest à Périgueux, ça foisonne ! De la Convention citoyenne pour l’Occitanie, en passant par le Giec et la COP21 de la Métropole de Rouen, les COP territoriales des régions Bretagne et Centre-Val de Loire, ou le Grenelle des mobilités de Bordeaux Métropole, de nombreux dispositifs inspirés d’outils (inter)nationaux foisonnent de part et d’autres du territoire français depuis quelques années.