A tous les élus locaux qui souhaitent réussir le mandat qui leur a été confié.
L’AMF (Association des Maires de France) nous alerte :
- Sur la dernière décennie 2013-2023, il y a deux fois plus de démissions d’élus municipaux que sur la décennie précédente.
- Depuis 2020, la barre des 1 400 maires démissionnaires a été dépassée.
Un épuisement des élus locaux dû à plusieurs facteurs :
- Les violences verbales (insultes, menaces) parfois physiques
- La multiplication des conflits à gérer : conflits entre habitants, mais aussi entre groupes de pression
- La judiciarisation de la société et les oppositions systématiques qui entravent les projets
- L’obésité administrative et le manque de moyens financiers pour répondre à des problèmes de plus en plus nombreux et complexes.
- Le sentiment d’être abandonné, voire méprisé par l’État et ses représentants (notamment les préfets)
Pire. Des perspectives peu réjouissantes à court comme à moyen terme :
A quoi peut-on s’attendre d’ici 2027 dans ce contexte de polycrise mondiale (*) ?
- Une récession structurelle (voire une stagflation)
- Une augmentation de la pauvreté et de la précarité
- Une montée des tensions sociales et des égoïsmes
- Une fragilisation accrue des services publics et de la protection sociale
- Une multiplication des accidents climatiques
(*) A moins d’un changement radical de politique
Alors n’y a-t-il pas d’autre solution que la démission ?
Commençons par ce qu’il faut éviter de faire en tant qu’élu.
- Résister seul. Porter sur ses épaules le poids du monde malgré les oppositions et les entraves administratives
- S’acharner à vouloir appliquer son programme 2020 alors que depuis le monde à changé (Pandémie, guerre en Ukraine, éco anxiété, radicalisation des conflits)
- Attendre des jours meilleurs (obtenir plus de moyens et de reconnaissance de la part de l’État et la fin de la crise)
- En appeler à l’intervention des forces de l’ordre (voire à l’armée) pour régler les conflits et les oppositions qui ne manqueront pas de se multiplier. Reconnaissons que la doctrine du maintien de l’ordre et les violences policières ont déjà fait assez de victimes. Inutile d’en rajouter.
- Monter à Paris pour s’immoler au GPL (par respect pour la planète) devant le château de l’Élysée. Cela peut s’avérer efficace mais encore faut-il trouver un volontaire.
Alors que faire ?
Poser le diagnostic pour comprendre ce qui se joue et agir efficacement à l’échelle locale
Les causes des difficultés que connaissent les élus locaux sont d’ordre :
- Politiques et démocratiques
- Économiques
- Psychologiques
- Sociales et culturelles
- Institutionnelles
- Organisationnelles et pédagogiques
La violence politique et démocratique :
- Le passage en force systématique (réforme des retraites, doctrine sanitaire pendant la pandémie, la stratégie énergétique, ..). Depuis 2015, jamais un gouvernement n’a été aussi autoritaire.
- La répression et la culpabilisation des oppositions d’où qu’elles viennent (éco terroristes, non vaccinés, LDH, NUPES, manifestants, ..)
- Une politique contra cyclique. Alors qu’en ce début de crise systémique, il faudrait miser sur le partage des ressources et la transition écologique, la France :
- Refuse de taxer les super profits
- Continue de fermer des lits d’hôpitaux (c’est un exemple)
- Donne raison aux lobbies (agricoles et industriels) et les plateformes de type UBER
- Réduit les droits sociaux des plus fragilisés
La violence économique :
- Une partie croissante de la population est paupérisée et précarisée
- Les services publics et la protection sociale (assurance chômage, RSA, ) ont de plus en plus de peine à jouer leur rôle d’amortisseurs sociaux
La violence psychologique :
- De plus en plus de nos concitoyens se sentent humiliés, méprisés par les élites
- Ils perdent espoir d’un avenir meilleur ; l’ascenseur social étant largement en panne. « Je suis né pauvre, mes enfants seront pauvres ».
- « Et pendant ce temps-là, il y en a qui se gavent ». « tous ces politiques pris la main dans le pot de confiture »
- La montée de l’éco anxiété (surtout chez les jeunes)
- La psychose ou peur irraisonnée. La doctrine sanitaire consistant à faire peur conjuguée aux délires de certains politiciens (ex : le grand remplacement) ont laissé des traces chez les plus fragiles (les psychologues le constatent).
La violence sociale et culturelle :
- Depuis plusieurs années, on assiste au délitement des corps intermédiaires, des amortisseurs collectifs
- Disparition des lieux de socialisation et de convivialité partagée
- Le culte de l’individu roi encapsulé dans sa bulle de consommateur
- Une société largement bloquée, fragmentée en autant de niches d’égoïsmes
- Des valeurs démonétisées du fait des élites
Au total, si l’immense majorité des humains ne sont pas des brutes sanguinaires, la violence systémique (paupérisation, appels à la haine, stigmatisation, répression, humiliation, provocation,..) qu’ils subissent pousse certains à désobéir et à se révolter parfois violemment. L’honnêteté intellectuelle commence par se mettre à la place de tous ces « excités ». Quelle autre attitude pour le taureau dans l’arène que de charger le pantin écarlate qui l’accule, le nargue, le provoque ? Peu importe que son combat soit perdu d’avance. Face à un système tout entier qui le condamne, il n’est plus qu’une pulsion obscure. Alors, gare à celui qui se trouve à portée de baffes de tous ceux qui n’en peuvent plus. L’élu local en tant que représentant de la puissance publique à Hauteur d’homme peut constituer ce bouc émissaire.
Ainsi s’agissant de la lutte contre le dérèglement climatique, une partie croissante de la population ne supporte plus d’être violentée, humiliée par un pouvoir qu’elle juge autoritaire, aveugle ou cynique. Combien de blessés faudra-t-il compter avant de reconnaître que les bassines, les méga tunnels, les extensions de centres commerciaux ou d’autoroutes sont écocides ? La criminalisation des associations qui ne font qu’appeler à la mise en œuvre des recommandations de la communauté scientifique incite indéniablement à la colère.
Sans oublier les causes institutionnelles et organisationnelles
Les causes institutionnelles : Une bonne partie du malaise que connaissent les décideurs locaux trouve son origine dans un cadre juridique et législatif inadapté. Trop de règlementations (et qui peuvent se contredire), manque d’autonomie fiscale, …
Les causes organisationnelles et pédagogiques : Pour le dire simplement, certains élus n’ont pas aujourd’hui le profil de compétences pour exercer la fonction d’élu local de demain. Nous n’évoquons pas ici les compétences techniques (juridiques et comptables) mais des valeurs et des compétences de stratège et de leader.
Que faire à l’échelle locale pour apaiser les esprits, mobiliser l’intelligence collective et construire un monde d’avenir.
Voici la chronologie de ce que nous appelons la spirale vertueuse du développement local :
- Recréer du lien social, de la convivialité. C’est la première étape de tout processus de revitalisation/développement local. Elle consiste à organiser -en s’appuyant sur le tissu associatif- des évènements ludiques qui mobilisent progressivement la plus grande partie de la population
- Éclairer, informer, éduquer, démasquer (les fakes news) : Il s’agit de proposer des tables rondes, des rencontres, des débats, des campagnes d’information permettant aux habitants d’apprendre à s’informer, à appréhender objectivement les évènements
- Proposer une trajectoire porteuse de sens susceptible d’obtenir l’adhésion du plus grand nombre ; Celle d’un territoire résilient fondé sur 4 principes porteurs d’avenir (solidarité, autonomie, sobriété et bien être)
- Définir collectivement (avec l’ensemble des habitants) les valeurs qui constitueront la charte (le blason) de la charte communautaire
- Déployer toutes les formes de solidarité au sein du territoire (entre habitants, entre entreprises) mais aussi avec les localités environnantes. Concevoir des services sociaux coopératifs. Organiser l’aide aux plus fragilisés
- Organiser les conditions d’une réelle respiration démocratique. Susciter le désir de citoyenneté active. Déployer une communauté Agorapolis
Enfin et à titre personnel, les élus locaux devraient se former et rejoindre des cluster (ou clubs) leur permettant de :
- Développer une vision stratégique des transformations à opérer dans un contexte de crise systémique
- Passer d’une posture de porteur de programmes à celle de coach de territoire.
Good night and good luck