L’attractivité, un mythe de l’action publique territoriale

Michel Grossetti – 17 janvier 2022Revenant sur plus de dix ans de recherches, Michel Grossetti bat en brèche les thèses suggérant que les villes auraient les moyens d’attirer à elles les entreprises « innovantes » et les travailleurs « créatifs »

 TÉLÉCHARGER AU FORMAT PDF

L’attractivité des territoires est devenue une préoccupation constante des élus et de ceux qui les conseillent, qu’ils soient en charge d’une ville, d’une région ou d’un pays. Il faut attirer des entreprises, des activités, des cadres, des entrepreneurs, des étudiants, bref, tout ce qui est censé contribuer à la croissance économique et à la création d’emplois.

Certaines politiques misent pour cela sur des incitations financières directes, telles que des exonérations fiscales importantes pour les entreprises ou des salaires très élevés offerts par des institutions publiques à des professionnels reconnus dans leur domaine. Très coûteuses pour les budgets de ces institutions, ces politiques ont des retombées généralement décevantes. D’autres politiques consistent à investir dans des aménagements, tels que des parcs d’activité technologiques censés être recherchés par les entreprises, ou des quartiers d’habitation adaptés aux goûts supposés des « créatifs », avec, là aussi, peu de résultats probants. Certaines recherches auxquelles j’ai participé dans les dernières années me font douter du bien-fondé de ces politiques d’attractivité.

Des fondements peu crédibles

La première de ces recherches porte sur des entreprises dites « innovantes » suivies par notre équipe durant une dizaine d’années (Grossetti, Barthe et Chauvac 2018). Dans cette recherche, nous avons analysé les « choix de localisation » de ces « startups » que tant de politiques cherchent à attirer. Alors que ces politiques se fondent sur l’hypothèse d’une grande mobilité de ces sociétés, les enquêtes montrent que les situations d’arbitrage entre des agglomérations différentes sont extrêmement rares : les personnes qui fondent ces entreprises les installent dans l’agglomération où elles résident et ne s’engagent pas dans une comparaison entre un large éventail d’éventuelles localités qui les amènerait à considérer d’autres solutions. Les quelques exceptions recensées concernent des cas où les fondateurs vivent dans des villes différentes, ou ceux où les fondateurs associent le projet de créer leur entreprise à celui de déménager ailleurs au sein du territoire national (souvent « dans le Sud »). Au sein d’une agglomération, le choix est plus explicite et correspond principalement à l’arbitrage entre des contraintes de déplacement, le coût des locaux et l’accès à des services spécifiques (comme ceux offerts par les pépinières d’entreprises, par exemple).

https://metropolitiques.eu/L-attractivite-un-mythe-de-l-action-publique-territoriale.html#.YfCJykEU3Ps.linkedin

Laissez un commentaire - Partagez une initiative sur ce thème

%d blogueurs aiment cette page :